Noir d’encre et noir de charbon CJ125 T2-2024

Pierres lithographiques destinées à l’impression des factures et en-têtes de lettres de Victor Fisette De Lattre, négociant en charbon à Jambes. Imprimerie Lambert-De Roisin, Namur. 20e siècle. Coll. Fondation SAN, inv. Litho-Bp093 et Litho-Bm268.

Souvenirs à l’encre noire1

Après quatre siècles de gravure sur bois et sur métal, la lithographie est inventée en 1796 et introduite en Belgique en 1817.

Litho ?
La lithographie est une technique d’impression à plat d’un dessin réalisé sur une pierre.
Cette pierre, un calcaire à grain fin, très fragile et très dense, a d’abord été préparée en la ponçant avec du sable et de l’eau. Cette étape, appelée grainage, permet d’obtenir une surface lisse, plane et homogène.
Le dessin est réalisé en miroir à l’aide d’un crayon gras, qui est absorbé par la pierre.
Le lithographe traite ensuite la pierre en y passant à l’éponge une solution de gomme arabique et d’acide, destinée à faciliter l’absorption de l’encre par la pierre. Le dessin est ensuite « effacé » à la térébenthine, mais il reste « dans » la pierre.
La technique de la lithographie repose sur le principe chimique de la répulsion entre le gras et l’eau. La pierre est constamment humidifiée à l’eau lors de l’impression, et les parties dessinées absorbent l’encre grasse des rouleaux encreurs, ce qui permet de transférer le dessin sur papier.

La technique reflète les exigences de la révolution industrielle : souci de rapidité (tant dans la formation du lithographe que dans l’exécution de l’œuvre), d’exactitude et de réduction du coût (prix de la pierre inférieur à celui du cuivre, salaire à la pièce moins élevé, aisance de la copie, possibilité de tirage important grâce à la résistance du matériau…).

Pour toutes ces raisons, la lithographie envahit rapidement le quotidien. On retrouve des paysages lithographiés dans les albums de voyages pittoresques2, des portraits ou des caricatures dans la presse, des vues « souvenirs » dans les guides touristiques, des planches de costumes dans des recueils dédiés au sujet, des vignettes dans les romans illustrés, des partitions musicales dans les romances, des alphabets dans les manuels scolaires… La lithographie est également utilisée pour la production d’imagerie pieuse, de souvenirs mortuaires3, de calendriers, de menus, d’affiches, de cartes, de plans, de documents administratifs, ou encore de publicités.

En 2015, la Société archéologique de Namur a reçu en don un très volumineux fonds de pierres lithographiques en provenance de l’ancienne imprimerie Lambert-De Roisin/Lambert-Dasnoy, située rue de l’Ange à Namur.

Si les pierres lithographiques, réutilisables en ponçant l’ancien dessin, sont aujourd’hui devenues un matériau précieux, parce que n’étant quasiment plus extraites, elles le sont aussi pour le témoignage (parfois anecdotique) qu’elles nous laissent…

Pierre lithographique destinée à l’impression de l’en-tête des lettres de la Manufacture de produits chimiques de Léon Coppin de Jambes. Imprimerie Lambert-De Roisin, Namur. 20e siècle. Coll. Fondation SAN, inv. Litho-Ap303.

[1] Cet article, rédigé avec une pensée toute spéciale pour R. Frippiat, fraîchement retraité, s’appuie sur Pictoresque. Un voyage lithographique et intimiste dans le Namurois, coll. Namur. Histoire et Patrimoine, 9, Namur, 2022.

[2] Voir un exemple dans « Bâtir une nation, d’encre et de papier », Côté Jambes 118, 2022.

[3] Voir un exemple dans « Drame au château – Soirée du samedi 20 mars 1847 », dans Côté Jambes 108-109, 2020.