La façade de l’ancienne église, avant sa reconstruction à partir de 1930. Au-dessus du portail d’entrée, le
cartouche portant le trigramme IHS
(Collection privée).
Cachée par un mur élevé en 1931 (à gauche), l’ancienne
façade de 1751-1752 (à droite) : le cartouche surmonte
une ancienne fenêtre transformée en porte d’accès aux
combles (photo de l’auteur).
L’intérieur de l’église avant 1930 : les trois nefs du milieu du XVIIIe siècle, avec leurs colonnes
annelées, sont prolongées par un transept et un nouveau choeur ajoutés au XIXe siècle.
Carte postale du début du XXe siècle (Archives de la cure de Jambes).
Détail du cartouche conservé sous les combles
de l’église actuelle (photo de l’auteur).
En 1928, à l’instigation de l’abbé Léon Delooz – curé-doyen de Jambes de 1927 à 1949 – la commune demandait à la Société centrale d’architecture de Belgique (SCAB) d’organiser un concours en vue de la construction d’une toute nouvelle église à ériger au même endroit et à l’emplacement du cimetière, ce dernier ayant été déplacé sur les hauteurs de Jambes une quarantaine d’années plus tôt. L’édifice existant, bâti à un nouvel emplacement en 1751-1752 et agrandi à plusieurs reprises entre 1851 et 1887, était devenu trop petit pour une population en croissance exponentielle : elle avait été multipliée par huit en un peu plus d’un siècle, passant de 769 habitants en 1801 à 6 290 en 1910 !
Le lauréat de ce concours, auquel une douzaine d’architectes de toute la Belgique avaient participé, est le bruxellois Edmond Simon. La SCAB avait été séduite par son projet résolument moderne, tout comme seront convaincus tant l’Évêché que les différentes autorités de tutelle. Les paroissiens semblent avoir été un tantinet moins enthousiasmés par l’aspect « Art Déco » qu’afficherait le nouvel édifice…
Une seule personne, mais de poids, s’est offusquée de la disparition des vestiges de l’église du XVIIIe siècle : Ferdinand Courtoy, le chantre du patrimoine namurois, celui des Promenades dans Namur. Mais de l’avis unanime, tant de la Commission royale des Monuments que de l’Évêché, le maintien des colonnes d’esprit baroque de la nef (semblables à celles de l’église Saint-Loup et de l’ancienne abbatiale de Malonne) était incompatible avec le style de l’édifice projeté.
En définitive, on coupe la poire en deux : on maintient tel quel le projet d’Edmond Simon, lequel a toutefois connu quelques ajustements, mais une partie des murs des nefs latérales sera conservée, cependant entièrement camouflée sous un enduit et dotée de nouvelles ouvertures sans aucun rapport avec celles qui existaient. Quant au vaisseau central, il est littéralement repris en sous-œuvre et suspendu sur une nouvelle structure en béton. Seul élément visible de l’extérieur, quoique peu en conformité avec l’esprit de la nouvelle église (l’architecte avait prévu à l’est une tour monumentale qui ne sera jamais construite, faute de moyens) : le clocheton ardoisé qui annonce modestement l’édifice du côté de la façade occidentale.
C’est à l’aplomb de ce clocheton, derrière un mur en avancée de l’église actuelle, que survit une portion de la façade en brique de sa devancière. Au centre, au-dessus des restes d’une fenêtre sommairement transformée en porte, un grand cartouche en pierre bleue (1,80 m x 1,25), orné de « cuirs » d’allure baroque, affiche le trigramme IHS (Iesus Hominum Salvator – Jésus sauveur des hommes), au-dessus des trois clous, symboles de la Passion. Cette dalle, qui est explicitement mentionnée dans le cahier des charges qui régissait la construction de la bâtisse en 1751, pourrait bien être l’œuvre d’un sculpteur namurois bien connu : Denis-Georges Bayar (1690-1774), lequel a très souvent travaillé avec un certain Jean-Joseph Gilson, entrepreneur et maître de carrière, celui-là même qui a bâti l’église de Jambes en 1751-1752… Elle mériterait à l’évidence d’être conservée et, pourquoi pas, transférée dans le nouveau siège de la paroisse ? En tout état de cause, on imagine mal la voir disparaître sous la pioche d’un démolisseur…
Jean-Louis Javaux,
Attaché honoraire au SPW,
Département du Patrimoine
Fiona Lebecque,
Présidente-Conservatrice
du Centre d’Archéologie,
d’Art et d’Histoire de Jambes
Pour en savoir plus :
F.-D. DOYEN, Documents relatifs à la paroisse de Jambes (1231-1750), dans Analectes pour servir à l’histoire ecclésiastique de la Belgique, 1re s., t. 11, 1874, pp. 280-294 ; C. BADOT, Jambes autrefois… et aujourd’hui, Namur, 1948 (rééd., Jambes, 2012) ; J. TOUSSAINT et F. TOURNEUR (dir), Denis-Georges Bayar (1690-1774), architecte et sculpteur namurois. Édition et analyse de son ‘Grand Registre’, Namur (Monographies du Musée provincial des Arts anciens du Namurois, 31), 2006.