(Fig. 3) La première barrière sur la route de Liège : cette lithographie de De Rousseaux d’après un dessin du général de Howen, de 1824, donne une excellente idée de ce qu’était la maison de la barrière au pied de la Montagne Sainte-Barbe (Coll. Fondation SAN).

(Fig. 1) La maison de la barrière et ses dépendances (en rouge), détail d’un plan dressé par le géomètre Lannoy le 18 février 1727. En A, le tracé de l’ancien chemin et, en G, de la nouvelle chaussée vers Luxembourg, avec l’emplacement, en F, de la barrière mobile. Le nord est en bas (AÉN, Cartes et plans, n° 241, détail).

(Fig. 2) La maison de la barrière en 1771, avec deux petits cabinets qui ont été ajoutés sur la gauche en 1737 (AÉN, Cartes et plans, n° 404, détail).

Au pied de la Montagne Sainte-Barbe existait autrefois une « maison de la barrière ». Cette appellation curieuse, qu’on retrouve encore de nos jours dans quelques noms de lieu (Barrière de Champlon, Barrière Hinck, etc.), désigne tout simplement l’ancêtre des péages qui jalonnent certaines autoroutes, françaises notamment.
La construction de chaussées dignes de ce nom, en lieu et place de « grands chemins » non empierrés et donc impraticables à la mauvaise saison, fut dès le XVIIe siècle encouragée, voire imposée par le gouvernement central afin de répondre à des préoccupations politiques et militaires plutôt que pour favoriser et développer les échanges commerciaux. Leur financement était toutefois supporté par les États provinciaux qui, sous l’Ancien Régime, préfiguraient en quelque sorte les provinces d’aujourd’hui, ainsi que par les villes et les communautés rurales. État et ville de Namur ne s’y aventurèrent que timidement et n’entreprirent de créer des chaussées pavées vers le nord – les chaussées de Bruxelles et de Louvain – et vers le sud – la chaussée de Luxembourg – que par tronçons sporadiques.
La construction de cette dernière est mise en chantier à partir de 1725 pour atteindre Vivier-l’Agneau (Courrière) en 1728. Son coût laisse rêveur : un peu plus de 64.143 florins, soit presque l’équivalent d’un hôtel de maître comme celui des Groesbeek de Croix à Namur ! Il faut attendre les années 1760 pour que soit ouvert le tronçon entre Vivier-l’Agneau et Emptinne, près de Ciney, à la frontière de la principauté de Liège. Elle n’atteindra toutefois sa destination finale… qu’au XIXe siècle !
Afin de financer la construction et l’entretien de ces chaussées, des « barrières » sont établies tout au long de leur tracé, ainsi, vers le sud, à Jambes et au Tronquoy (Wierde).
Dès le 25 janvier 1726, la ville de Namur décide de faire construire, au pied de la Montagne Sainte-Barbe, une maison destinée aux préposés à la perception des droits de passage, dont le tarif variait suivant la nature des véhicules utilisés et du nombre de chevaux attelés. Les travaux, dont la surveillance est confiée à l’entrepreneur namurois Nicolas Bolvin (qui est aussi l’entrepreneur de la chaussée), se terminent en 1727. Ils sont réalisés en régie par une foule d’artisans pour la plupart namurois. Leur coût élevé – 5.550 florins – équivaut au prix d’une petite église de campagne ou d’un bon presbytère ! (fig. 1)
La bâtisse en moellons de calcaire sous toiture d’ardoises comporte deux pièces au rez-de-chaussée, chauffées chacune par une cheminée, et autant à l’étage sous combles, des caves voûtées et un four à pain. Elle est éclairée par des fenêtres à croisée et par une baie à meneau à la lucarne axiale de l’étage. Un escalier en chêne, à balustres tournés, relie les deux niveaux habitables. Deux autres bâtiments, sur les côtés de la cour arrière, abritent l’un une écurie sous fenil, l’autre une soue à cochons.
Mais dix ans à peine après sa construction, la bâtisse doit être agrandie par deux nouveaux cabinets au rez-de-chaussée et autant à l’étage. Les travaux sont adjugés, le 30 juillet 1737 à l’entrepreneur Jean-François Pierard, de Namur, pour 550 florins. (fig. 2)
La maison de la barrière, qui est affermée simultanément ou non avec la perception des droits, offre également le gîte et le couvert aux voyageurs, moyennant rétribution évidemment, ce qui permet de compenser le manque à gagner lorsque le trafic se fait moins dense (guerres, inon-dations, ralentissement du trafic suite à l’ouverture d’une seconde chaussée par la Meuse, etc.). Le revenu des droits de barrière à Sainte-Barbe a fortement varié d’une période à l’autre, s’échelonnant entre 800 et 1.600 florins. Au total, la ville de Namur en a retiré 82.700 florins entre 1727 et 1793, soit un « bénéfice » d’environ 9.000 florins en 65 ans par rapport au coût de construction de la chaussée, des barrières de Jambes et du Tronquoy, de la plantation d’arbres et du désintéressement des terrains expropriés… (fig. 3)
Vu le déficit récurrent de la caisse des chaussées, et ce malgré une aide financière non négligeable de la ville, Sa Majesté l’empereur autorise, le 13 janvier 1780, celle-ci à vendre la maison de la barrière Sainte-Barbe – son loyer ne rapportait pas plus de 215 florins l’an en moyenne – et son remplacement par une simple logette ou petite demeure pour le préposé. Le 28 novembre la bâtisse est adjugée pour 5.366 florins et quelques sous à Jean-Joseph Abras, locataire du bien depuis une bonne dizaine d’années.
Le bâtiment a été démoli durant la première moitié du XIXe siècle et remplacé par le vaste bâtiment néo-classique de la famille Ortmans-Godin, laquelle a donné deux bourgmestres à Jambes en 1846-1862 et en 1867-1869.

Jean-Louis Javaux et Bernadette Hubert,
Attachés honoraires au SPW,
Département du Patrimoine et
Fiona Lebecque,
Présidente-Conservatrice
du Centre d’Archéologie,
d’Art et d’Histoire de Jambes

Sources :
J.-L. JAVAUX, La maison de la barrière Sainte-Barbe à Jambes. Construction et entretien (1726-1780), dans Cahiers de Sambre-et-Meuse, à paraître ; J. LAMBERT, Les droits de barrière sur les chaussées de Louvain et de Luxembourg au XVIIIe siècle, dans Annales de la Société archéologique de Namur, t. 67, 1991, pp. 65-97.

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