Nicolas Visscher, Plan de la Ville et du château de Namur (détail), 1695
Namur, coll. Fondation Société archéologique de Namur.
Harrewijn, Plan de la Ville et Château de Namur avec les dernières Fortifications faites jusqu’à l’an 1709, 1709. Namur, Jardin du Cloître
Namur, coll. Fondation Société archéologique de Namur, inv. B-Pl-042-05.
Selon l’article de Marc Ronvaux publié dans le 92e tome des Annales de la Société archéologique de Namur (2018, pp. 114-139), « les fruits des enclos et jardins sont presque toujours exempts de dîme, mais pour le reste, les cultures qui y sont soumises varient d’un lieu à l’autre, selon des usages locaux évidemment à la source de conflits. À La Plante, la dîme porte sur une série de légumes ainsi que sur les fraises, mais non sur les houblons, alors qu’à Jambes, ceux-ci y sont soumis. Les rapports entre la communauté jamboise, formée surtout de maraîchers, et la collégiale Notre-Dame, sa décimatrice, sont souvent tendus, comme en 1741, à propos de la dîme que le chapitre prétend lever sur les grosses febves que l’on cueille vertes alors qu’elle y a été de tous temps inconnue1 ».
Le chapitre Notre-Dame de Namur détenait, probablement depuis sa fondation par l’évêque de Liège vers le Xe siècle, les dîmes du territoire qui, certainement à partir de 1231, allait devenir la paroisse de Jambes. À ce titre, il était tenu à la construction et à l’entretien de l’église, du moins à la nef et au chœur (bas-côtés et tour éventuelle étant en principe à la charge des paroissiens), ainsi qu’à tout ce qui était indispensable au culte (maître-autel, vêtements et livres liturgiques, calice, ciboire, etc.) ; il devait également assurer la subsistance du curé, la fameuse « portion congrue », et livrer une cloche, dite décimale.
Le produit de cette taxe ecclésiastique qui prélevait un dixième des récoltes (decimae en latin a donné le mot dîmes en français) était engrangé dans un bâtiment dénommé à juste titre « grange aux dîmes ». Quelques plans de Namur, de 1695 et 1704 notamment, permettent de la localiser approximativement aux alentours de l’actuelle place de Wallonie, en face du vaste bâtiment du Service public de Wallonie.
On ignore la date de sa construction mais on sait qu’en 1696, elle ne faisait pas partie des 36 maisons de Jambes ruinées par les sièges de 1692 et 1695 ou détruites pour faire place à de nouvelles fortifications bastionnées, lesquelles n’englobaient qu’une portion du « faubourg » concentrée au débouché du pont de Meuse. Que du contraire, elle servait alors de corps de garde pour quelques soldats !
De menues réfections à sa toiture en ardoises y ont été effectuées en 1717, apret le grand horag arivé le 12 jeuin 1717 – pour reprendre le texte de l’époque –, puis en 1737 et 1742 par l’ardoisier namurois Guillaume Tavelet. On sait par ailleurs que ses murs étaient en maçonneries de pierre.
Mais dans l’intervalle, le 23 avril 1739, un contrat était signé entre deux représentants du chapitre et le maître charpentier namurois Jacques Marcin, qui avait déjà travaillé sur la bâtisse deux ans auparavant, pour la confection d’une toute nouvelle charpente de toiture. Cette convention fixait exactement le salaire journalier du maître (15 sous et demi), de ses assistants (13 sous et demi) et manœuvres (10 sous et demi) et les délais de construction (six semaines), mais surtout précisait les dimensions et le prix de chaque type de bois qu’il devait fournir et mettre en œuvre (pannes, chevrons et voliges), la structure portante de la charpente (fermes) étant apparemment maintenue. Mais elle avantageait bien trop le chapitre, puisque l’artisan s’était engagé, sans réfléchir, à fournir des bois éventuellement plus longs que ceux initialement prévus, mais sans supplément de prix ! C’est la raison pour laquelle ce dernier, s’estimant lésé, avait quitté l’ouvrage avant son achèvement et avait encouru, dès le 4 juillet, une mise en demeure musclée de la part du chapitre pour terminer la tâche. Le récapitulatif des travaux établi en juillet 1744 précise que ceux-ci avaient coûté 288 florins, dont 208 pour les bois et le reste (soit 28 % du total) pour la main-d’œuvre. En 1737, les dîmes de Jambes sur les céréales et le houblon avaient rapporté au chapitre 711 florins…
L’édifice n’a pas résisté au siège de 1746 : il a été rasé délibérément avec une quarantaine d’autres bâtiments du bourg, en ce compris l’église Saint-Symphorien, par la garnison hollandaise de la citadelle afin qu’ils ne puissent servir d’abris ou de cache aux troupes françaises qui s’apprêtaient à assiéger la ville !
Un des comptes de la communauté villageoise mentionne encore en 1785 l’endroit où il y a eu ci-devant une grange à la disme, laquelle appartenoit aux prévôt, doyen et chanoines de la collégialle audit Namur. La grange aux dîmes avait vécu.