Le Pont des Ardennes
2013
Le pont en construction (vue vers Namur)
Vue vers Jambes de l’endroit où aboutira le pont
Le sénateur-bourgmestre de Jambes M. Jean Materne
présente au roi Léopold III le projet du nouveau pont sur la
Meuse le 18 juillet 1939
L’inauguration du pont en présence du prince Albert qui
salue M. Louis Warolus, ingénieur aux Ets Finet
Le prince Albert inaugure le pont avec à droite, M. Louis Huart,
bourgmestre de Namur et à sa gauche M. Jean Materne,
sénateur-bourgmestre de Jambes
Test de solidité du pont à l’aide de chars
Le pont en 2013
L’ouvrage d’art dont il va être question dans cette brève contribution a été étudié de manière approfondie par l’architecte urbaniste Raymond Balau à la lumière d’archives inédites publiques et privées. La bibliographie de fin d’article permettra aux lecteurs de compléter leur information en compulsant les nombreuses études citées.
La porte des Ardennes
Lorsque l’on parcourt les guides touristiques des XIXe et XXe siècles, Namur est à chaque fois citée comme située aux portes des Ardennes, ce qui est géographiquement inexact. Avant d’y arriver, il faut d’abord sillonner le Condroz et la Famenne !
Le seul pont sur la Meuse existant en Namurois jusqu’au milieu du XXe siècle1, pour atteindre la province de Luxembourg, est le vieux pont de Meuse ou pont de Jambes2, ensuite il faut emprunter la rue du commerce, la rue des acacias3 et gravir la montagne Sainte-Barbe.
Malgré la destruction de ses remparts au XIXe siècle, Namur restait encore très fort enserrée dans sa « corbeille ». Il fallait trouver des solutions pour rejoindre l’autre rive, permettant de « conquérir » d’autres zones urbanisables. L’édification du pont des Ardennes était la solution pour fluidifier le trafic routier et se diriger avec plus de facilité vers le sud du pays.
La commande 3485 aux Ateliers de Construction de Jambes-Namur
L’anecdote n’est pas sans intérêt car elle est révélatrice des conditions de travail à cette époque. En ce milieu de siècle, on n’hésitait pas à signifier aux jeunes qui ne s’appliquaient pas à l’école : si tu ne travailles pas, tu iras chauffer des clous chez Finet4 ! Aux filles : tu iras faire les confitures chez Materne. C’étaient les deux destinations qu’on donnait aux gens du coin en difficultés scolaires. »5
L’adjudication aux ateliers de Construction de Jambes-Namur a été officialisée en date du 16 février 1951. Les travaux débuteront le 9 juillet 1951. Le devis 9900 devient alors la commande 3485. Selon R. Balau pour enlever cette commande il importait de diminuer sensiblement les quantités d’acier du projet de l’administration.
Cette construction d’acier (250 000 rivets en atelier et 150 000 sur place) constituait à l’époque le plus grand pont-route de Belgique, en trois parties. L’arche mesure 138 mètres et la largeur du pont est de 18 mètres avec trottoirs. Il aura fallu démolir dix-huit pavillons pour sinistrés sur la rive gauche.
L’inauguration, le 3 juin 1954
L’année précédant son inauguration et malgré l’accord ministériel, le pont gardait toujours lors de déclarations à la presse une appellation dépassée « pont de la rue Jean-Baptiste Brabant ». Le dynamique sénateur-bourgmestre de Jambes M. Jean Materne n’a pas hésité à interpeller son collègue de Namur, le bourgmestre Louis Huart à cet égard. Il faut savoir que les prémices de ce pont remontent à plus d’un demi-siècle avec la création de la rue Jean-Baptiste Brabant. Ceci explique, sans doute, donc cela.
Le 23 juin 1954, Vers l’Avenir6 relate l’intervention du bourgmestre L. Huart au Conseil communal qui annonce la présence du prince Albert7 lors des festivités d’inauguration fixée le 3 juin. Le bourgmestre de Jambes, J. Materne, devait être satisfait de la mise en valeur de sa commune d’autant que le pont avait été conçu par des ateliers renommés situés sur le territoire de son entité.
Beaucoup de choses restaient encore à réaliser. En effet, les mauvaises langues rapportaient que ce pont ne menait nulle part. Des liaisons routières devaient encore être établies sur la plaine de Jambes.
Il est très intéressant de relire les appréciations d’un professeur de La Cambre, M. Robert L. Delevoy8, à propos de ce pont. Une seule arche franchit le fleuve avec une force tranquille et s’inscrit harmonieusement dans le paysage. Tracé souple, ligne nette, structure franche accusent un parti audacieux et rassurant. Autorité de la technique, noblesse de la forme.
Jacques Toussaint,
Président du Centre d’Archéologie, d’Art et
d’Histoire de Jambes
Pour en savoir plus
La 5e foire Internationale de Liège, dans L’Ossature Métallique, n° 6, juin 1953, p. 309.
L’éclairage du pont des Ardennes. Lumière, sécurité, économie, brochure éditée par les A.C.E.C. en 1954, sans pagination (voir Vers l’Avenir, 16 mai 1954, p. 3).
Le Pont des Ardennes. Nouveau pont-route métallique sur la Meuse, à Namur (Belgique), dans Le Génie Civil. Revue technique Générale des Industries Françaises et Etrangères, tome CXXXI, n° 21, 74e année, n° 3384, Ier novembre 1954, pp. 401-403.
Le pont des Ardennes. Nouveau pont-route sur la Meuse à Namur. Réalisé par la S. A. des Ateliers de Construction de Jambes, dans La Maison, n°1, janvier 1955, p. 18.
- Balau, Le pont des Ardennes de Roger Bastin à Yann Kersalé, dans Confluent, n° 262, octobre 1999 (encart Projets n° 11 (pp. 1-32) inséré entre les pp. 14-47).
- Balau, Le pont des Ardennes a cinquante ans. Une prouesse des Ateliers de construction de Jambes-Namur. Un entretien avec Louis Warolus, dans Confluent, n° 325, juin 2004, pp. 10-13.
- Balau, Le Pont des Ardennes : 50 ans !, dans staal_acier, n° 3, 3, juin 2004, pp. 40-45.
- Balau, NAMUR 1946-1954. Le pont des Ardennes et Roger Bastin, coll. Études et documents, Aménagement et Urbanisme, 12, Jambes, 2011.
Ch. Botton, Le nouveau pont-route sur la Meuse à Namur dit « pont des Ardennes », dans L’Ossature Métallique, n° 7-8 juillet-août 1954.
Ch. Botton, El puente de las Ardenas, dans Informes de la Construcción (InstitutoTécnico de la Construcción y del Cemento), n° 68, Madrid, 1955.
- Chevrier, L’éclairage fluorescent du pont des Ardennes, dans Revue de l’aluminium, n° 227, décembre 1955, pp. 1141-1144 (commentaires repris dans Revue des Applications de l’Électricité, n° 170, juillet 1955).
- L. Delevoy, Industrial Design et Esthétique industrielle, dans L’Ossature Métallique, n° 4, avril 1954, p. 174.
- Toussaint, Rues de Jambes, coll. Anhaive expo du Centre d’Archéologie, d’Art et d’Histoire de Jambes, 3, Jambes, 2007, pp.139-140.
Notes
- Lors de l’allocution inaugurale, le bourgmestre de Namur L. Huart rappelle que depuis près de 850 ans le pont de Jambes était le seul passage carrossable entre les deux rives. L’on dénombre pas moins d’une douzaine de ministres des Travaux publics qui se sont souciés du problème. S. M. le roi Léopold III est venu sur place le 18 juillet 1939, huit semaines avant la déclaration de guerre, pour se rendre compte de la nécessité des travaux. La décision officielle sera prise, après la guerre, le 28 novembre 1947 par le ministre Behogne. Le pont sera construit aux frais de l’État belge.
- Voir J. Toussaint, Il faut sauver le vieux pont de Jambes, dans Côté Jambes, n° 80-2013, pp. 8-10.
- Actuellement, avenue bourgmestre Jean Materne.
- Devenu ACINA.
- D’après un entretien de Louis Warolus, ingénieur chez Finet, avec Raymond Balau le 5 juillet 1997.
- Au Conseil communal de Namur. Le baron Huart annonce officiellement la venue de S.A.R. le prince Albert à l’inauguration du pont des Ardennes, dans Vers l’Avenir, 23 mai 1954, p. 3.
- Futur Roi Albert II.
- Voir bibliographie.